Le franc CFA : pourquoi les pays de l’AES continuent-ils d’utiliser cette monnaie coloniale ?
Malgré des changements politiques majeurs et un rejet croissant de l'influence française, le franc CFA reste ancré dans les économies des pays africains membres de l'AES.
Le franc CFA : un héritage colonial encore bien présent
Le franc CFA, autrefois « franc des Colonies françaises d’Afrique », est souvent décrit comme un outil d’influence économique de la France sur ses anciennes colonies. Pourtant, malgré la montée des régimes révolutionnaires en Afrique de l’Ouest et centrale, cette monnaie reste largement utilisée. Les bases militaires françaises ont été démantelées dans des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, mais la transition monétaire semble plus complexe.
Pourquoi le franc CFA persiste-t-il ?
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi le franc CFA reste une monnaie dominante :
- Une dépendance économique et structurelle
Le franc CFA est rattaché à l’euro via une parité fixe, offrant une certaine stabilité monétaire. Toutefois, cette stabilité s’accompagne de contraintes pour les économies locales, notamment une difficulté à exporter leurs matières premières compétitivement. Les pays africains importent majoritairement des biens de consommation, ce qui aggrave leur déficit commercial. - Un processus de transition complexe
Comme l’explique Philippe Simo, remplacer une monnaie est bien plus difficile que de démanteler une base militaire. Une nouvelle monnaie nécessite :- Des critères de convergence économiques entre les pays concernés.
- Une infrastructure bancaire solide pour garantir son succès.
- Une confiance des marchés internationaux, cruciale pour éviter une dévaluation rapide.
- Des exemples mitigés de rupture monétaire
Les pays ayant quitté le franc CFA, comme la Guinée et la Mauritanie, ont connu des difficultés économiques. Des monnaies nationales, comme le naira au Nigeria ou le cedi au Ghana, peinent également à maintenir leur valeur face à des économies fragiles.
La montée des alternatives : l’exemple de l’éco en Afrique de l’Ouest
L’Afrique de l’Ouest travaille sur l’introduction de l’éco, une monnaie régionale prévue pour 2027. Cette initiative vise à remplacer le franc CFA dans plusieurs pays membres de la CEDEAO. Cependant, l’absence de coordination politique et les disparités économiques freinent sa mise en œuvre.
Dans la zone de l’AES, l’idée d’une monnaie propre reste encore en discussion. Ces pays, malgré leur rejet de la France et de la CEDEAO, n’ont pas annoncé de calendrier clair pour un tel projet.
Les leçons à tirer des défis monétaires africains
Philippe Simo rappelle une vérité fondamentale : une monnaie, aussi symbolique soit-elle, est avant tout un outil économique. L’absence du franc CFA ne garantit pas une croissance économique. Pour réussir une transition monétaire, les pays africains doivent d’abord :
- Renforcer leur infrastructure économique, notamment en réduisant leur dépendance aux importations.
- Développer des industries locales pour créer de la valeur ajoutée sur leurs matières premières.
- Construire une politique économique cohérente et pérenne, capable de soutenir leur monnaie nationale ou régionale.
Conclusion : une question de temps et de stratégie
Le maintien du franc CFA illustre les défis complexes auxquels font face les pays africains dans leur quête de souveraineté monétaire. Si la rupture avec la France semble une priorité politique, la transition économique nécessite une préparation minutieuse et un engagement collectif.
A Lire: Franc CFA : Une Monnaie Sous Influence ou Une Opportunité pour l’Afrique ?
La fin du franc CFA n’est pas seulement une question symbolique. Elle représente une opportunité pour les pays africains de redéfinir leur place dans l’économie mondiale. Toutefois, cette transformation ne pourra réussir qu’avec des politiques économiques robustes, alignées sur les besoins des populations locales.
